18/05/2011 21:01

J04 - J05

Position le 18/05 à 1700 UT : 28°53N, 71°10W
Position le 19/05 à 1700 UT : 29°50N, 68°57W

Distance parcourue sur les dernières 24H : 129 MN
Moyenne sur les dernières 24H : 5,37 kts
Vent moyen sur les dernière 24H : de 5 à 12 kts (SE)
Distance totale à parcourir > Açores : 2582 MN
Distance parcourue depuis Nassau : 530 MN
Distance restant à parcourir pour les Bermudes : 267 MN
Distance restant à parcourir pour les Açores : 2054 MN
Reccord de vitesse (surf) : 13,5 kts

Séquence pêche :  Néant
Séquence émotion :  Néant
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Rapport de notre 4ème jour en mer fait par nos coéquipiers Yves et Olivier :

19 mai 1700ut

[O] La Lune, magnifique pamplemousse,  nous fait son cinéma… Paraît que c’est
d’actualité. Bien haut dans le ciel, au milieu de Sunset Boulevard, elle éclaire
avec bienveillance la route que Teoula trace. Grâce à elle, on distingue
nettement, non seulement les feux, mais aussi la masse sombre des deux géants
des mers (600 et 900 pieds de long) remplis jusqu’à la gueule de toute la
noirceur du monde que la bas, au loin, à terre, on qualifie d’or, et qui
croisent notre poupe à quelques miles. Ici, sous cette clarté lunaire, la mer a
des reflets bleu nuit.
40 heures maintenant que nous sommes partis de Spanish Well, 40 heures qu’ « une
île qui sommeillait en nos yeux depuis les portes de l’enfance » a pris le
large.
Triangle des Bermudes, mer des Sargasse, ces noms effrayants et attirants comme
le sont tous les mystères seront notre plaine de jeux pour les journées à venir.
Et même si un petit pincement au cœur  m’a étreint au moment du départ, c’est
sans nul doute l’enthousiasme qui mène ma danse intérieure : rêve d’enfance 1
POINT ! (Tiens, au fait, qu’à fait la Belgique à l’eurovision ? Traverser les
océans est si futile qu’il faut veiller à garder le contact avec la réalité. ;-)
).
6 à 8 noeuds nous portent en début de nuit vers notre graal à nous, St Georges.
Seuls au milieu de nulle part, on pourrait croire que des pensées de tous bords
nous assaillent. Ce fut le cas les premiers jours. Mais curieusement, pour ma
part, ce soir, mon esprit se fait aussi léger que notre bateau dans cette
immensité… Je passe des minutes entières à juste … être là. Les 2 premières
heures de quart sont tranquilles sauf ce vent qui fait mentir les prévisions
(c’est étonnant ;-) ) et qui me force à lofer autant que possible (et
raisonnable) pour garder le cap. Après 2heures, par petites risées qui se font
de plus en plus longues et rapprochées, le vent a définitivement tourné et s’est
levé avec des pointes de 20 nœuds. La houle s’est aplanie… Grisant, la nuit, sur
l’autoroute atlantique, Teoula qui affiche un bon 8,5  9 nœuds de moyenne et
fait des pointes à 12 nœuds. Je suis quand même un peu inquiet. Avec ce vent,
sous genaker, je me résous à abattre … de plus en plus… pour me retrouver grand
largue cap sur le 30°. Il faut ménager notre pégase.  Nous visions le 70° !
Pas grave, le vent devrait tourner sud-sud-ouest et nous remettre en position
correcte pour ne pas rater les Bermudes.
Déjà minuit, mon quart prends fin. Content de retrouver Yves et de lui soumettre
mes choix. Dans la dernière demi heure lorsque le vent a fraichit avec
constance, j’étais un peu inquiet mais ne voulais pas le priver de précieuses
minutes de sommeil dans son combat contre le mal de mer qui nous guette, et nous
surprend, chacun à notre tour depuis trois jours. Petit conciliabule à 3 (Denis,
infatigable vient de nous rejoindre dans le cockpit). Minuit quart, Je grimpe
dans ma couchette, et m’endors le regard perdu, au travers de mon hublot de
plafond,  dans les étoiles qui semblent danser avec le  galhauban supérieur.
[Y] La lune est claire, la mer est quasi plate, 11 nœuds, 12 nœuds.  C’est bon
pour la moyenne !  Un petit tour de winch pour reprendre le gennaker et ça
repart de plus belle : jamais en dessous de 10 nœuds ! 10 nœuds c’est la vitesse
à laquelle court ce kenyan qui a décidé de faire la course avec nous.  Avec ses
petites jambes graciles, il profite de la crête des vagues pour rester en
hauteur, toujours en vue du bateau.  Un petit jogging nocturne en plein
Atlantique.  Teoula relève le challenge et  profite des creux pour accélérer
jusque 12 nœuds, ce qui énerve le kenyan qui a du mal à suivre.  Le surf de
notre cata se termine par une montée au lof qu’il faut contrôler en abattant, le
bateau prend la vague et ralentit.  Le petit coureur, lui se met à rire,
agilement, saute l’écume, reste sur l’arrête et moyennant un petit détour sur
les sommets, nous reprend de vitesse.  Ce n’est plus un jogging, c’est du saut
de haie.  Nous restons + de 15 Mn ensemble à profiter du clair de lune et
parfaire ce que j’imagine être sa préparation aux 20 km.  En suivant le rythme
du bateau, l’africain devrait terminer sous les arcades du 50naire en 1h02 et se
placer dans les tous premiers !  Mmmmhh pas mal !  Et vous ?  Vous vous
entraînez ?
 Un petit signe du pouce comme pour se donner rendez-vous, un signe de la main
et le frère de Gebra Selassié s’écarte du bateau et s’enfonce dans les abîmes…
Avec 4756 m d’eau en-dessous de nous cela lui fait encore une bonne course avant
de mettre pied à terre.
La nuit, en mer on voit beaucoup de monde…
 Perdu dans mes pensées, j’en oublie de regarder l’horizon.  C’est l’objet des
quarts !  Et voilà qu’à 4, 5 Mn  à notre droite croise un super tanker d’au
moins 200 m de long ! Misère mieux vaut l’avoir à sa droite qu’en face de soi !
 Teoula est équipé d’un système AIS. C’est la super classe !  Moyennant un tour
de roulette, nous pouvons pointer sur l’écran tous les bateaux à proximité de
nous  équipés du système et repérés par notre radar. Un double clik sur le
symbole à l’écran et voilà le nom du bateau qui apparaît, sa longueur, sa
vitesse, le type de bateau.  Nous pouvons recevoir mais nous n’émettons pas.
Jusqu’à 20 Mn de portée, la VHF est très pratique pour tailler une bavette avec
l’officier de pont qui partage le même quart (bien souvent un philippin en train
de se faire des nouilles).   Pour cette nuit c’est raté, je ne sais pas utiliser
l’engin… Corrigerai cela demain !
3h15, mon quart est fini !  Denis émerge courageusement et reprend le flambeau.
Le réveil à 7h30 nous vaut un bol de céréale-youghourt-confiture façon qui vous
savez.  En l’absence d’Olivier on se débrouille comme on peut.  Le mal de mer
m’a complètement abandonné.  Denis a l’air en forme également.  A 8h30 Olivier
émerge pour s’affaler sur une banquette au vent la main collée au front.
Yoghourt ? Confiture ? Céréales ?  Un maigre gémissement…. Nous le laissons
dormir, recouvert totalement par sa veste de quart (une magnifique Henri Lloyd
qui lui donne un petit air Kersauzon avec sa barbe de 5 jours) et qui pour
l’heure lui sert de couverture, voire de linceul  tant il nous paraît pâle.
Vous avais-je déjà dit qu’à bord nous sommes 4 ? Je ne pense pas !  Il est donc
grand temps de faire les présentations du 3ième équipier : Ray. Ray Marine. Avec
un  nom et un prénom comme cela il ne pouvait être qu’américain ! Denis l’a
rencontré sur le bateau  et il l’a embarqué.  Entre Ray et Olivier ça a collé
tout de suite ! Pour les talents qu’on lui connaît, bien sûr, parce que côté
prénom, Ray s’est gentiment moqué… Un Olivier en plein océan !??? Tout juste bon
pour l’apéro ! Et encore c’est pas la saison.  De mon côté j’étais blindé ; Yves
un prénom breton pure souche !  Ray a même retiré ses caches pour me souhaiter
bonne fête !  Connait ses classiques celui-là et en ce 19 mai j’en profite pour
souhaiter une bonne fête à tous les avocats et les notaires.  Et un bon
anniversaire à ma chère belle-sœur !
Je vous parle des caches oculaires de Ray… rien à voir avec ceux de Sarkozy.
Non, ce gars là il en a plein la tête : il passe son temps à calculer et en
trigo il est foudroyant.  C’est ce qui lui vaut son toucher de barre
incomparable.  Vous lui donnez un cap à tenir : il vous flanque ce cata dans des
rails ; un train !  Vous lui donner un angle de vent réel à garder ?  A peine 5°
d’écartde temps en temps.  Un  coup de barre à gauche, un coup de barre à
droite.  Il anticipe jusqu’au courant.  UN KING de la nav !
Et ce matin, juste après avoir vérifié le pouls et la température d’Olivier –
résolument inerte- je lui ai demandé de s’assoir à côté de moi et j’ai barré
toute la matinée.  Pas si mal pour un début !  Faut dire il m’a bien aidé le
Ray.  Tout en Anglais, il veillait à me donner tous les paramètres du bateau.
Vachement utile !  Speed, log, apparent wind, True wind, knots, depth… On se
cultive!  Sur le coup de midi je lui ai rendu la barre pour fristouiller un
petit risotto et ranimer Olivier.  Difficile !  Même la voile d’Equinoxe a
l’horizon et la charmante voix de sa skipper sur la VHF ne le sortent pas de sa
léthargie.  Peut-être qu’en lui parlant des 3 équipières de ce bateau américain
qui seraient ravie de faire sa connaissance aux Bermudes….  Ah ! le voilà qui
tend l’oreille !
[O] 21h30, je prends mon quart emmitouflé dans ma Stanislas Lloyd (petite
précision afin d’éviter tout malentendu dans les marinas car j’entends en effet
déjà d’ici la voix d’un autre skipper, liégeois celui-là, hurlant à tue tête «
Oufti,elle te protège bien ta Stanislas Lloyd,  maintenant qu’elles sont
fabriquées en Pologne ? »).
 Pas de doute l’or est bleu ! Et moi je glisse dessus. J’assiste en direct à mon
premier lever de Lune : une énorme orange sanguine qui apparaît à l’est et qui
rapidement semble rouler sur un fil invisible juste au dessus d’une mer calme,
un peu comme ces boules que les magiciens font rouler dans le vide… Ma-Gni-Fique
!

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Dernière mise à jour le 15 juillet 2011